Maltraitance en EHPAD : bêtise ordinaire ou encadrement déficient ?
Trois jeunes filles de 16 à 17 ans préparant un bac professionnel “Accompagnement, soins et service à la personne” (ASSP) ont été mises en examen en fin de semaine dernière pour violences en réunion avec préméditation, diffusion sur Internet de scènes de violence et atteintes à la vie privée. Elles ont été placées sous contrôle judiciaire. Lors d’un stage au château de Louche à Annet-sur-Marne, un établissement hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD), les trois jeunes filles ont filmé à leur insu plusieurs personnes âgées handicapées ou souffrant de la maladie d’Alzheimer. Ces vidéos les montraient gémissant ou chantant et mettaient également en évidence les brimades infligées par les trois stagiaires : petites tapes ou insultes. Fières de leur forfait, les trois compères ont diffusé leurs courtes vidéos sur le site Snpachat, plateforme de partages de vidéos et de photos, qui disparaissent très peu de temps après leur publication. Parmi leurs camarades de lycée qui étaient destinataires de ces images, plusieurs n’ont pas considéré comme ludiques ces scènes d’humiliation publiques et ont averti leurs professeurs. L’alerte a été donnée et une action judiciaire a été ouverte.
A coté des sanctions, des formations à revaloriser ?
Très vite après la révélation des faits, le Syndicat national des maisons de retraite et résidences privées pour personnes âgées (SYNERPA) a insisté pour que ces « actes isolés ne soient en aucun cas associés à l’ensemble des intervenants et au travail quotidien des professionnels auprès des résidents ». De son côté, la Fédération des associations de personnes âgées s’est émue d’un possible défaut d’encadrement des stagiaires. « Si le personnel de l’établissement, aides soignants, infirmiers, médecins coordinateurs ne sont pas en capacité de bien encadrer les stagiaires, de prendre du temps pour les former c’est un véritable problème » a regretté la présidente de la Fédération, Joëlle Le Gall. Pourtant, il ne semble pas qu’un défaut d’encadrement soit en cause dans cette affaire.
D’abord le Château de Louche paraît habitué à recevoir des stagiaires. Le secrétaire d’Etat aux Personnes âgées, Laurence Rossignol a par ailleurs indiqué que les trois étudiantes étaient suivies par une “tutrice”. Surtout, il semble que les vidéos aient été réalisées pendant les moments de pause des jeunes filles, puisque leur téléphone portable demeurait dans leur casier pendant les heures de formation. Difficile dans ces circonstances, d’assurer un travail de vigie permanent, d’autant plus que s’agissant de jeunes filles inscrites dans un cursus centré sur l’aide à la personne, elles bénéficiaient probablement un certain préjugé favorable. Le hic est cependant en partie dans cette absence de motivation réelle chez certains étudiants engagés dans de telles formations : ce n’est pas le désir d’accompagner les personnes fragiles qui les motive en premier lieu, une vocation d’aidant, mais d’abord le souhait d’intégrer un cursus qui ne nécessite pas de compétences scolaires très marquées et qui est prometteur d’embauches. La revalorisation de ces formations, une importance accordée à la vocation (présente cependant chez la plupart des candidats) permettrait peut-être d’écarter certains sujets dont le profil ne correspond pas aux critères d’humanité requis.
Où est la bientraitance ?
Demeure cependant, la question de la maltraitance des personnes âgées qui en dépit d’une certaine mobilisation ces dernières années est encore une préoccupation qui n’apparaît pas centrale. Ainsi, le centre d’appel ALMA (Allô maltraitance pour personnes âgées) après quelques années très actives connaît quelque essoufflement (ses dernières statistiques remontent à 2009) et l’on a entendu Laurence Rossignol qui tout en déclarant intolérables les faits révélés tentait de rassurer (on ne dira pas minimiser) en constatant l’absence de violences physiques. Un discours que certains considéreront éloigné des objectifs de “bientraitance” pourtant par ailleurs si fréquemment rappelés.